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Physique Quantique

La Téléportation quantique : tout ce qu’il faut savoir

La téléportation quantique est un phénomène de plus en plus popularisé, que ce soit dans les fantasmes du grand public ou bien dans les récits des auteurs de science-fiction.

Qu’on soit clair dès maintenant : la téléportation d’objets complets du style « Star Trek » n’est pas à l’ordre du jour. Rien ne dit si on y arrivera un jour, ni si c’est possible ou impossible. Seule l’accroissement des connaissance en sciences physiques pourra répondre à ces questions.

Si la téléportation « Star Trek » n’est pas encore envisageable, la téléportation quantique en serait pourtant la toute première étape, comme la représentation des constellations du ciel nocturne depuis des millénaires étaient la première étape de l’exploration spatiale.

La téléportation quantique utilise le phénomène d’intrication quantique pour téléporter une particule, la faisant disparaître de son point de départ et réapparaître instantanément au point d’arrivé.

La base de la téléportation : l’intrication quantique

L’intrication quantique, pour en citer la définition (qui ne vous avancera pas à grand chose, mais bon), c’est le fait pour deux particules – deux photons, par exemple – de se comporter comme un seul système physique, indépendamment de la distance qui les sépare.

On peut le voir comme la télépathie que décrivent parfois des jumeaux ou des frères : un frère arriverait ainsi à percevoir ou à ressentir des émotions fortes ressenties par son jumeau, sans être avec lui ni lui parler.

Qu’est-ce que l’intrication d’un point de vue physique ?

Au départ on génère deux photons intriqués, par exemple issus d’une même désintégration et donc intimement liés par les conditions expérimentales. Puis, on les sépare en les envoyant chacun à un endroit bien différent (d’un bout à l’autre de la planète si vous en avez envie, il n’y a aucune limite  à cette étape). Cet envoi se fait de façon classique, dans une fibre optique par exemple.

Fibre Optique

C’est ensuite que la « magie » de l’intrication opère : lorsqu’on agit sur l’un des photons, l’autre réagit de façon instantanée.

Pour parler plus concrètement : si l’on fait une mesure en laboratoire sur le premier photon – par exemple son sens de rotation (spin) – alors on pourrait en déduire le sens de rotation de l’autre photon que l’on a envoyé à l’autre bout de la planète.

Malheureusement, on ne pourra pas savoir si le sens de rotation des photons sera le même ou s’il sera opposé avant de mesurer chacun des photons : tout ce que l’on pourra dire, c’est qu’il existe un lien entre le sens de rotation de ces deux photons. En clair, si l’on change le sens de rotation de l’un, on change le sens de rotation de l’autre instantanément.

Un exemple d’intrication quantique pour mieux saisir

Paris et New york

Imaginez deux équipes de chercheurs, l’une à New-York et l’autre à Paris. Disons que l’équipe de Paris ait reçu un photon intriqué (appelé photon n°2) de la part de l’équipe de New-York (qui possède de son côté un photon n°1). Les deux équipes se sont téléphonées puis se se sont mises d’accord sur une petite expérience :

Équipe de NYC : nous allons modifier régulièrement le sens de rotation de notre photon dans notre laboratoire. Puisque votre photon et le notre sont intriqués, le votre devrait changer de sens de rotation instantanément en même temps que le notre ! Si c’est bien le cas, envoyez-nous un e-mail.

Équipe de Paris : OK.

L’équipe de Paris branche ses appareils de mesure et surveillent leur photon intriqué patiemment. D’abord le photon tourne dans un sens, puis d’un coup, tourne dans l’autre sens. Cela veut dire que l’équipe de NYC a, de son côté, modifié le sens de rotation de leur photon n°1.

L’équipe de Paris envoie un e-mail à NYC : « notre photon vient de changer de sens ! ». L’équipe de NYC répond : « C’est parce que nous venons de changer le sens de notre photon n°1, cela veut dire que nos photons sont bien intriqués ! ».

Ce que l’expérience ne dit pas, c’est dans quel sens tourne le photon à New-York : l’intrication quantique, telle que vous venez de la découvrir, permet de détecter à distance le changement d’état du photon (changement de sens de rotation). Les scientifiques de Paris n’ont aucun moyen de savoir, à moins de demander à l’autre équipe, dans quel sens tourne le photon n°1. Ils savent juste quel lien quantique existe entre les deux particules et que quand on change le sens de rotation du photon n°1, on change le sens de rotation du photon n°2.

Spin des photons

Imaginez qu’il soit possible de transmettre une information plus intéressante que « le photon vient de changer de sens » ! Avec deux photons comme c’est le cas dans ce petit exemple, ce n’est pas possible. Heureusement, les scientifiques peuvent faire plus que jouer avec deux photons : ils peuvent jouer avec trois photons !

Téléportation quantique

L’intrication quantique ne suffit donc pas à elle seule à téléporter des objets ou des informations complexes.

Reprenons l’exemple des jumeaux (utilisé par Bell dans ses recherches) : l’intrication ne consisterait, pour l’un des frères, qu’à faire savoir à son autre frère que quelque chose se passe. Il ne sait ni quoi exactement, ni si c’est en bien ou en mal. Pour avoir plus d’information, il leur faudra toujours passer par une voie classique comme le téléphone.

La véritable télépathie (celle des films, encore une fois) consisterait non seulement à dire à son frère jumeau qu’il arrive quelque chose, mais aussi à dire précisément quoi. C’est donc comme si les jumeaux pouvaient se « tilter » l’un l’autre, sans but ni raison : c’est l’intrication.

Mais s’ils pouvaient également transférer des informations par la pensée, donc sans téléphone : c’est la téléportation. L’information joue ici un peu le rôle d’une troisième entité, en plus des deux frères : c’est elle qui est téléportée, en utilisant comme support la connexion présente entre les deux frères.

Télépathie jumeaux

Avec nos photons, c’est un peu la même chose. Deux photons intriqués, comme expliqué précédemment, ne suffisent pas pour transporter des informations : il faut faire intervenir un troisième photon, c’est ce photon là qui subira une téléportation quantique.

En pratique, on commence par générer deux photons intriqués puis on en envoie un au point de départ et l’autre au point d’arrivé. Ensuite, on envoie un troisième photon porteur d’une information quantique (décidée par les chercheurs, donc pas aléatoire, mais bien humainement exploitable) pour altérer le premier photon.

C’est ici précisément que l’on peut parler du phénomène de téléportation quantique : on observera alors que le deuxième photon sera lui aussi altéré, comme si lui aussi avait été percuté par le troisième photon.

Il suffit donc — pour simplifier — de faire un « calcul de différences » pour retrouver à l’arrivée, l’information portée par le troisième photon au point de départ. L’information sera alors passée d’un photon à l’autre, sans voyager ni se déplacer pour autant.

Résumons la téléportation quantique en quelques mots

La téléportation quantique, à défaut d’être une téléportation de matière ou d’énergie à proprement parler (ce qui aurait violé une bonne partie des lois de la physique telle que la relativité d’Einstein), est plutôt un transfert d’états quantiques d’un endroit à un autre.

Tas de Lego ©

Faire de la téléportation quantique, c’est un peu comme si vous aviez une construction en briques Lego d’un côté, et toutes les briques en vrac de l’autre côté. La téléportation se contentera « seulement » de tout démonter d’un côté et de tout remonter de l’autre côté, de façon instantanée.

C’est donc la structure qui est transférée d’un tas de Lego à l’autre, et non pas les briques elles-mêmes. La téléportation ne crée pas la matière au point d’arrivée, elle se contente de l’altérer en fonction des modifications faites au point de départ.

Pour l’instant, seuls des photons et des atomes simples ont été téléportés de cette façon. Il n’est pas encore question, ni encore envisageable de téléporter la structure quantique infiniment plus complexe d’un objet plus gros et concret (comme un humain) d’un endroit à un autre. Il faut également déjà avoir toutes les pièces à l’arrivée, pour pouvoir assembler tout ça de la façon dont c’était assemblé au point de départ.

Pour aller plus loin : Comment concevoir la téléportation quantique (magie, mystère, énergie) ?

C’est une question épineuse qui laisse lieux à beaucoup d’interprétations.

Énergie mystère

Einstein refusait de croire à la non-localité de la physique quantique. En physique, la localité est un principe selon lequel des objets distants ne peuvent pas avoir une influence directe l’un sur l’autre ; un objet ne peut être influencé que par son environnement immédiat (Principe de localité, wiki). Le phénomène d’intrication semble aller totalement à l’encontre de ce principe de localité, cher à Einstein et à sa théorie de la relativité restreinte. Il développera une théorie appelée « la théorie des variables cachées locales » qui consistait à admettre l’existence de variables cachées lors des phénomènes quantiques.

Ces « variables cachées » expliqueraient entre autres le caractère aléatoire de la physique quantique : il existerait une réalité encore plus fondamentale que celle décrite par la physique quantique, et qui nous échappe complètement.

Voyons une autre interprétation, plus philosophique. L’un des courants de pensées les plus influents dans le domaine des sciences quantiques, appelé l’École de Copenhague (dirigée par Bohr), s’était donné pour mission de trouver une interprétation philosophique à la physique quantique.

L’École de Copenhague soutenait la vision séparatiste de la physique quantique : il faut considérer les particules intriquées comme un seul objet devenu inséparable, étant donné que selon l’expérimentation la mécanique quantique est non locale.

Les chercheurs de l’École de Copenhague se défendent de vouloir donner un sens à chaque phénomène quantique : ils s’attèlent plutôt à donner des règles opérationnelles, c’est-à-dire « ceci est comme ça, ceci fonctionne comme cela ».

Pour eux, chercher une interprétation à l’intriquation quantique ne relève pas de la physique mais de la philosophie (« les tentatives de donner un sens aux résultats mathématiques des prévisions quantiques ne sont plus des problèmes de physique« ).

Quoi qu’il en soit, le problème de l’intrication et de la mécanique quantique en général est un problème difficile et le débat reste ouvert.

Pour aller (encore) plus loin, sources et ressources :