Heisenberg, dont le célèbre principe d’incertitude a été récemment expliqué par Timo (lire : « L’indétermination de Heisenberg : en quoi ça consiste exactement ?« ) a toujours refusé de quitter l’Allemagne malgré les pressions que les cadres du parti nazi exercèrent sur lui.
Comme beaucoup de grands physiciens allemands comme Planck et Bohr, son travail de chercheur a été semé d’embûches par les nazis. Entre menaces et spoliation, l’histoire de la physique quantique sous le régime d’Hitler est une tranche passionnante de la littérature.
Vous allez le voir, être un grand physicien et vivre durant le régime nazi n’était pas une partie de plaisir.
Lorsqu’Hitler devint chancelier en 1933, il fit voter une loi permettant de restaurer la carrière des fonctionnaires. Il pu ainsi exclure des postes administratifs tous les juifs, socialistes, communistes et opposants au pouvoir. Suite à la mise en application de cette loi, 26 des 60 chercheurs en physique théorique furent licenciés à travers toute l’Allemagne.
C’est à cette époque qu’Einstein décida de quitter l’Allemagne : « Je ne veux pas appartenir à une société qui se comporte de la sorte, même si elle l’a fait sous la pression » déclara-t-il.
Ceux qui étaient pour, et ceux qui étaient contre
Au contraire, ils étaient des scientifiques renommés qui manifestaient publiquement leur soutient au régime nazi. Entres autres Philipp Lenard (prix Noel en 1905 pour ses travaux sur l’effet photoélectrique) et Johannes Stark (travail sur les raies spectrales en présence d’un champ électrique).
Heisenberg, qui avait 31 ans en 1933, était assez mitigé sur les décisions du pouvoir nazi. Comme d’autres, il pensait que le nouveau régime devait prendre des décisions radicales pour redorer le blason de l’Allemagne affaiblie par l’ancien régime.
« Avec le temps, les choses splendides seront certainement séparées des choses odieuses« , insistait-il. Sans jamais s’opposer directement au régime, il s’efforçait de soutenir les initiatives qui visait à rendre la science autonome de la politique.
Le célèbre Schrödinger décida, lui, de quitter volontairement le pays car il désapprouvait entièrement la politique nazie. Il n’était pourtant ni juif ni en danger, ce qui fit de lui l’un des seuls scientifiques à quitter le pays par pure conviction.
Stark cité précédemment, avait en tête de prendre les rennes de la physique allemande et d’y faire appliquer ses convictions extrêmement antisémites. Vous verrez plus loin de quoi il s’agissait. Il eu a un rôle important dans l’évolution des sciences allemandes entre 1920 et 1939 (sa retraite). Pour lui et le reste du parti Nazi, les sciences théoriques étaient une invention des juifs pour détruire la science allemande et dominer le monde.
Planck, pourtant âgé, essaya de contrecarrer les ambitions antisémites de Stark. Il alla jusqu’à demander une audience à Hitler en personne pour lui expliquer à quel point les opinions de Stark étaient un danger pour l’essor des sciences allemandes. Hitler le renvoya chez lui en le menaçant de l’envoyer dans un camp de concentration. Selon certains écrits historiques, Hitler aurait répondu :
Nos politiques nationales ne seront pas révoquées ou modifiées. Même pour les scientifiques. Si le licenciement de scientifiques juifs signifie l’anéantissement de la science contemporaine allemande, alors nous ferons sans la science pendant quelques années !
La physique allemande, meilleure que la physique juive
Stark, en véritable évangéliste du régime nazi, demanda aux professeurs d’universités allemandes d’envoyer un télégramme d’adhésion au parti nazi pour prouver leur fidélité au régime… ce que de nombreux scientifiques refusèrent de faire, arguant que cela n’avait rien à voir avec la science. Stark leur rétorqua qu’ils faisaient pourtant déjà de la politique, en citant Einstein et ses « théories juives » pendant leurs cours.
En 1920, soit quelques années avant le Putsch de la Brasserie qui envoya Hitler en prison, Stark et Lenard signèrent un ouvrage sobrement intitulé « Deutsche Physik », soit « physique allemande ». C’était un ouvrage de physique très classique, mais la longue préface expliquait les grandes différences entre la physique allemande et la physique juive. Lenard s’expliquait en ce termes, assez incroyables :
La véritable science est expérimentale et réaliste, cause et intuitive, inductive, elle cherche la nature et la réalité, et elle est d’origine fondamentalement nordique. Au contraire, la science juive est théorique et formelle, probabiliste et non intuitive, esclave des mathématiques. Indifférente à la nature et à la réalité, elle se présente internationale. La division ente physique classique et physique moderne n’est qu’une astuce de la physique juive, car le Juif prétend créer des contractions partout et séparer les connections pour que le pauvre Allemand, qui tombe facilement dans les pièges, perde toute possibilité de savoir où il est.
Heisenberg en danger, trop proche du juif qu’était Einstein
La physique dites « allemande » refusait la théorie au sens large. Elle refusait bien entendu la physique quantique dans son ensemble, les théories d’Einstein, la mécanique matricielle d’Heisenberg et la mécanique ondulatoire de Schrödinger. Des lettres, émises par des partisans de la physique allemande, demandait même au régime d’envoyer Heisenberg dans des camps pour ses affinités avec la physique théorique d’Einstein.
Pour mettre fin à cette campagne diffamante qui mettait en péril son intégrité physique, Heisenberg fit transmettre une missive au chef des SS pour lui demander quelle était la position exacte du parti nazi sur la physique théorique. Après une longue enquête du parti nazi sur la physique théorique mais aussi sur Heisenberg, celui-ci fût autorisé à continuer son travail mais une loi interdit de citer « Einstein » lors des cours ou de conférences scientifiques. La théorie de la relativité restait une hypothèse de travail légale, mais citer le nom de son auteur fût interdit jusqu’à la dissolution du régime nazi.
Sources
- L’excellent livre « Heisenberg et le principe d’Incertitude » aux éditions « Grandes idées de la science », traduit de l’original espagnol « Grandes ideas de la ciencia » écrit par Jesus Navarro Faus.
- L’article Physics Under Hitler sur Sparknotes.
- La page wikipédia de Philipp Lenard;
3 Commentaires
NathV
23 juin 2015 à 20 h 57 minet bien, il ne doivent pas comprendre que quand l’on crée une théorie en essaye de la prouver et que c’est défois grace a l’experimentation que l’on fait cela, merci pour ce belle article Mr. Stéphane
Stéphane
25 juin 2015 à 9 h 19 minMerci beaucoup Nath ! A bientôt sur le blog je l’espère.
NathV
26 juin 2015 à 13 h 58 mina bientot sur le blog aussi !