On parle souvent de techniques de manipulation très théoriques comme la technique de l’engagement ou de la preuve sociale, mais on oublie souvent des techniques plus sociétales comme la technique de l’Ennemi Commun.
Si je devais faire un classement statistique des techniques que j’ai le plus utilisées dans ma vie, celle-ci serait probablement la première ou la seconde de la liste.
Elle vous permettra :
- De créer des affinités rapidement avec n’importe qui ;
- De lancer rapidement des conversations qui ne s’essoufflent pas si vous vous y prenez bien ;
- De vous faire accepter dans un nouveau groupe social ;
En quoi consiste cette technique de manipulation ?
Son nom est suffisamment évocateur pour que vous ayez compris son principe dans les grandes lignes : elle consiste à manipuler quelqu’un en utilisant comme levier d’influence un ennemi que vous auriez en commun. Cette technique est d’autant plus chouette qu’elle s’imbrique parfaitement dans une analyse cold-reading.
La plupart des groupes sociaux que nous connaissons ou que nous fréquentons s’unissent autour d’un ennemi commun. Ce n’est pas nécessairement leur moteur principal, mais c’est un carburant incroyablement efficace.
Prenons quelques exemples de groupes sociaux stéréotypés qui ont un ennemi commun :
- Les communistes : dans la vision marxiste, leurs ennemis communs sont les capitalistes, les propriétaires. Dans leur lutte des classes, l’ennemi est le patron ou l’actionnaire.
- Les capitalistes : dans leur vision libérale, l’ennemi est l’État.
- Les fans de l’OM : l’ennemi peut être le PSG ou une autre équipe équivalente.
- Les geeks fan de logiciel libre : Microsoft, ou les entreprises big brother en général.
- Dans votre entreprise : un logiciel absolument ignoble que tout le monde utilise mais que tout le monde déteste à vomir.
- Le parti National-Socialiste d’Hitler : l’ennemi était le Juif.
- Les sectes visent très large : les ennemis sont tous les proches qui dissuaderaient la personne d’intégrer la secte.
Les groupes sociaux s’organisent donc, d’une manière ou d’une autre, autour d’un ennemi commun. Se battre contre l’ennemi commun n’est pas forcément une fin en soi, c’est plus un moyen d’action ou un défouloir. Ça rapproche énormément les gens, c’est une sorte de glue sociale extra-forte.
Comment utiliser cette technique pour lancer une discussion ou attirer l’attention d’un(e) inconnu(e)
Pour attirer l’attention de quelqu’un et lui plaire (au sens large), vous avez grosso-modo 3 solutions :
- Lui faire comprendre que vous êtes d’accord avec lui sur plein de choses
- Lui faire comprendre que vous avez une passion en commun
- Lui faire comprendre que vous avez un ennemi en commun
Le premier cas est un peu nul, parce qu’on peut vite tomber dans le consensuel dégoulinant. Quelqu’un qui aime tout ce que vous aimez, qui répond « oui » à tout ce que vous dites, c’est quelqu’un qui semble n’avoir aucune personnalité. Ou pire : c’est quelqu’un qui joue un rôle pour vous séduire. Ce n’est pas une bonne stratégie.
Le second cas, celui de la passion en commun, est un peu difficile à mettre en pratique avec un inconnu. Tout le monde n’a pas de passion, et dans le cas contraire, vous ne saurez pas toujours de quoi discuter exactement.
Le plus intelligent consiste selon moi à rester vous-même, à ne pas dire oui à tout, mais à trouver l’Ennemi (avec un grand E !) de votre interlocuteur. C’est à dire trouver la chose – ou la personne – qu’il déteste, et surtout qu’il adorera détester avec vous.
Même si vous n’êtes pas d’accord sur tout, le fait d’avoir un ennemi en commun vous rapprochera.
Si vous n’êtes pas trop documenté sur le sujet de ce fameux ennemi en commun, vous n’aurez aucun mal à lancer votre interlocuteur sur le sujet. Les gens adorent faire du prosélytisme, c’est à dire essayer de convaincre les autres qu’ils ont raison. Encore plus quand ils peuvent casser du sucre sur ce/ceux qu’ils détestent.
Comment trouver l’ennemi commun d’une personne en face de vous ?
En 2 mots : cold-reading et hot-reading. Si vous ne savez pas trop en quoi ça consiste, lisez ces 2 articles :
- Apprendre le cold-reading : comment analyser les gens qui nous entourent ?
- Hot-reading : comment manipuler quelqu’un sur Facebook (ou sur Internet en général) ?
Le cold-reading permet de caricaturer la complexité psychologique et sociale des gens que nous rencontrons. Pour expliquer le cold-reading, je compare souvent les gens à des équations mathématiques (désolé si vous êtes allergique à ça ;-)).
Je représente une personne humaine comme un gros sac qui contient des milliards et des milliards d’équations mathématiques. Chercher à résoudre ces équations – c’est à dire chercher à comprendre cette personne entièrement – serait un véritable enfer. Le cold-reading permet de tout simplifier et de définir quelqu’un avec seulement 10 équations. Point final.
Bien sûr, le résultat devient inexact. Bien sûr, le résultat est parfois grossier. Mais c’est le but : simplifier la complexité sociale. L’ennemi commun serait l’une de ses 10 équations qu’il faudrait dégager de notre « simplification mathématique ».
Le hot-reading suit le même principe que le cold-reading, mais se fait plutôt sur Internet. On cherche des info sur quelqu’un, on épie sa présence sur Internet pour savoir qu’il est exactement et ce qu’il aime.
Ma piste préférée pour trouver un ennemi commun : la politique
Les gens qui ont des convictions politiques ont toujours des Ennemis. Je dirais donc que chercher le groupe politique de votre interlocuteur est un bon point de départ et vous permet d’avoir un résultat facilement. Essayez de comprendre un peu l’échiquier politique du pays dans le lequel vous vivez pour être meilleur :
- Comprendre l’échiquier politique français (wiki, très bon article objectif).
- L’échiquier politique français (attention : article partisan, mais très intéressant).
Pour connaître la position de votre interlocuteur sur l’échiquier, essayez bêtement d’amener un sujet de conversation un peu polémique dans la conversation. Rebondissez sur un fait d’actualité par exemple, ça marche bien.
En bref
L’ennemi commun permet :
- De créer des affinités rapidement
- De lancer rapidement des conversations qui ne s’essoufflent pas si vous vous y prenez bien
- De vous faire accepter dans un nouveau groupe social
Le cold-reading ou le hot-reading sont à mon sens, les meilleures façons de trouver l’Ennemi Commun de votre interlocuteur.
63 Commentaires
Franck
12 août 2016 à 18 h 15 minPas mal l’article, tout ce que tu dis est vrai, c’est impressionnant je trouve !
Ludo
4 octobre 2019 à 1 h 56 minJe viens d’acheter ton livre et je l’adore déjà !! Merci de entretenir ton blog je trouve sa top.
Stéphane
4 octobre 2019 à 6 h 40 minMerci Ludo, très content que le livre te plaise. À bientôt !
Ludo
20 avril 2017 à 0 h 06 minJe viens d’acheter ton livre et je l’adore déjà !! Merci de entretenir ton blog je trouve sa top.
Stéphane
7 mai 2017 à 14 h 42 minMerci Ludo, très content que le livre te plaise. À bientôt !
scarlette
4 octobre 2019 à 2 h 06 minj’adooore continue ainsi <3
scarlette
21 juin 2017 à 19 h 30 minj’adooore continue ainsi <3
Camus
4 octobre 2019 à 1 h 56 minSuper article très intéressant même si j’avoue que j’aurais aimé qu’il soit un peu plus fournit, malheureusement je sais bien qu’on ne peut pas tout détailler dans un article de blog et que c’est juste pour « introduire » à un sujet tout en piquant la curiosité de l’interlocuteur à ce propos en l’amenant à faire de plus amples recherches par lui-même s’il trouve ça intéressant !
Bref, il se trouve que cette notion d’ennemi commun me semble évidente maintenant que tu en parles mais je n’y avais jamais pensé précisément avant ni vu l’utilité que cela pouvait avoir dans des situations diverses et variées donc merci beaucoup et j’espère à bientôt pour un nouvel article tout aussi intéressant !
Félix Boussa
4 octobre 2019 à 23 h 33 minSalut Camus,
C’est vrai qu’il est difficile de trouver un juste milieu entre trop court ou trop long, je préfère ne pas aller trop loin pour éviter des articles à rallonge. Quitte à écrire plusieurs petits articles comme celui-ci.
Je suis heureux que le sujet t’ait plu en tous cas. Si j’ai d’autres choses à dire dessus, je n’hésiterai pas à publier à nouveau et à te prévenir par mail.
Alla
4 octobre 2019 à 1 h 56 minCeci dit, trouve un ennemi commun n’est pas chose facile car dans certains cas la personne concerné peut avoir comme ennemi quelqu’un qu’on ne considère pas comme tel ou même le contraire.
Mais ça reste quelque chose a la fois très intéressant et efficace.
veronique
4 octobre 2019 à 1 h 56 minBonsoir Mister FELIX
Ravi de te retrouver après 7mois d absence
Bien pratique cette approche d un ennemi commun , j espère pouvoir te lire bientôt sur d autres sujets
Veronique
paul
4 octobre 2019 à 1 h 56 minJe vien de découvrir ce blog et il me parait tres intéressant.
Il ne prend que quelque minute a lire et il est tres instructif.
Je souhaite féliciter l’auteur de ce blog pour avoir vulgarisé un sujet complexe alors.
merci
Félix Boussa
4 octobre 2019 à 6 h 40 minMerci Paul, ça me fait vraiment très plaisir !
Jules
4 octobre 2019 à 1 h 56 minMerci pour ton article Félix,
Je trouve que tu aurais pu rajouter dans les enjeux de cette technique l’intêret qu’elle comporte pour créer une dissonance cognitive,
Sinon j’espere que tu continueras à entretenir ce blog génial.
Cordialement,
Jules
Félix Boussa
4 octobre 2019 à 6 h 40 minMerci Jules 🙂 J’essaierai de développer cet article plus tard.
Hamza
4 octobre 2019 à 1 h 56 minOn dit bien que la haine tue ,en voilà un très bon exemple .
Excellent travail 🙂
Pierre
4 octobre 2019 à 1 h 56 minC’est génial, il fallait y penser!
Si tu devais choisir, quelle serait ta deuxième technique favorite?
Un grand merci pour celle la, j’ai hâte d’aller la tester !!!
Félix Boussa
4 octobre 2019 à 6 h 40 minProbablement le libre choix. Les livres illustrent souvent ça comme ça : « pour demander un service à quelqu’un, faites lui penser qu’il est libre de vous aider ou non avec une formule type : » ça serait super que tu m’aides mais tu es libre ou non de le faire « ».
Cette formulation précise (« tu es libre de… ou non ») est extrêmement lourdingue et inadaptée mais l’idée derrière est vraiment puissante quand on arrive à l’amener correctement dans une discussion.
Pierre
4 octobre 2019 à 16 h 41 minC’est vrai que c’est une technique qui demande un minimum de finesse, la dernière fois que quelqu’un l’a essayée sur moi, j’ai répondu « encore heureux que je sois libre de le faire ». Je vais réfléchir à des moyens de mieux l’emmener dans une discussion
Merci beaucoup pour ta réponse et vraiment très heureux que tu aies repris l’activité sur ce blog! 🙂
Félix Boussa
5 octobre 2019 à 1 h 34 minC’est complètement ça : si la personne pense immédiatement « encore heureux que je sois libre ! », alors c’est qu’on a mal amené la technique. C’est le meilleur test possible 😀
Merci à toi pour tes com et tes emails.
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