Sympa comme concept. Vous vous voyez certainement déjà dans une piscine de billets à la Snoop Dog, mais ne vous emballez pas trop. L’idée que les banques nous versent gratos de l’argent dans les poches n’est pas qu’une jolie utopie ; il s’agit bel et bien d’une théorie économique qui permettrait de relancer l’économie.
Cette théorie s’appelle l’hélicoptère monétaire. Elle a d’abord été pensée par l’économiste américain Milton Friedman dans les années 60.
Et si on parle d’hélicoptère, c’est juste pour l’image qu’il y a derrière. Friedman avait imaginé qu’un hélicoptère se placerait au dessus d’une ville et lâcherait des dizaines de billets que les citoyens récupéreraient, et s’empresseraient de dépenser.
Ça aurait pu s’arrêter là, mais en 2014 l’économiste anglais John Muellbauer a repris la théorie en suggérant à la BCE (Banque Centrale Européenne) de donner 500 € à tous les citoyens européens pour les pousser à consommer, et donc pour relancer l’économie.
Mais d’où viendrait tout cet argent ?
Ça, c’est le travail de la BCE. C’est elle qui va créer tout cet argent.
C’est ce que l’on appelait avant la « planche à billets » (la création de monnaie-papier), mais cela n’existe plus. Aujourd’hui, il s’agit d’argent virtuel sur nos comptes en banque, et non de liasses de billets enfermées dans des coffres forts comme vous l’avez vu à la télé.
Mais attention, on ne parle pas ici d’une petite liasse de billets à créer : la population adulte de la zone euro compte 275 millions d’Européens. Si la BCE donne 500€ à chacun, cela représenterait au total 137,5 milliards d’euros.
Et créer tout cet argent, ça changerait quoi ?
Déjà, on aurait tous 500€ en plus à consommer. Jean s’achèterait un micro-ondes, Michelle un nouvel ordinateur, Jacques un téléphone.
Ces « petites dépenses » permettraient une relance de l’économie en faisant gagner de l’argent aux entreprises qui construisent les micro-ondes, les ordinateurs et les téléphones.
Alors imaginez si tous les européens s’y mettent. Résultat : les consommateurs seraient ravis de s’offrir de nouveaux biens et les entreprises heureuses de voir leur chiffre d’affaires augmenter. Bref, tout le monde serait content !
Mais surtout, l’activité économique augmenterait l’argent en circulation, et là, on parlerait d’inflation.
L’inflation, c’est bien ou mal ?
Pour comprendre l’inflation, il faut d’abord savoir comment circule l’argent.
Exemple : la banque vient d’accorder un prêt à Pascal pour qu’il s’achète une nouvelle voiture. À ce moment précis, la banque crée de l’argent pour Pascal.
Ensuite Pascal va acheter sa nouvelle voiture : l’argent circule donc entre le compte en banque de Pascal et celui de l’entreprise automobile.
Mais pour rembourser son prêt, Pascal devra tous les mois donner une part de son salaire à la banque. Et là, la circulation de l’argent s’arrête car l’argent retourne à son « vrai propriétaire » (la banque).
Pour vraiment parler d’inflation, il faut imaginer que la plupart des gens sont comme Pascal, et ont au moins un prêt sur le dos (pour acheter une maison, une voiture ou un ordinateur par exemple). Plus les banques autorisent des prêts, plus les gens ont de l’argent.
Et conséquence à tout cela : comme l’argent des ménages coule à flot, le coût de la vie augmente car les entreprises ont tendance à augmenter le prix des biens et des services (aussi bien le prix des chaussures que des appartements).
Alors pour réguler tout ça et éviter que les prix ne flambent trop, la BCE dispose d’un outil puissant : chaque mois, elle réajuste son taux directeur. Les banques classiques comme le LCL ou le Crédit Agricole utilisent le taux directeur de la BCE pour décider du taux auquel elles vous accorderont un crédit.
Si la BCE fait monter son taux directeur, votre banque vous proposera un crédit à un taux plus élevé (par exemple 3%). Cela ne vous encouragera pas à faire un prêt. Les banques créeront donc moins d’argent, et cela évitera l’inflation.
Si au contraire la BCE abaisse son taux directeur, votre banque pourra vous proposer un crédit à un taux attractif (par exemple 1%) ! Vous contracterez peut-être un prêt, et vous consommerez plus. Votre prêt fera circuler plus d’argent, et créera de l’inflation.
Pour résumer, une inflation bien maîtrisée permet en théorie d’augmenter le niveau de vie (les salaires et la consommation). Tandis qu’une inflation mal maîtrisée entraînerait une baisse du pouvoir d’achat (le coût de la vie augmente, mais pas les salaires).
Et en pratique, est-ce que l’inflation permet de relancer l’économie ?
C’est en effet ce que pense la BCE qui a mis cela en place. Même si de nombreux économistes l’affirment, il s’agit avant tout d’une théorie et d’un choix de politique économique que d’autres pays contestent, comme la Banque Centrale du Japon par exemple.
Bon, et l’idée des 500€… ça a l’air très utopiste, ça peut marcher pour relancer l’économie ?
Alors oui, c’est sûr, il s’agit d’une très belle idée qui favoriserait l’égalité ; mais qui éliminerait surtout les banques commerciales du parcours « classique » car l’argent serait directement versé de la BCE sur nos comptes en banque (adieu les taux !).
En revanche, il existe deux réserves : la première c’est qu’on ne peut pas être sûr que ces 500€ seraient dépensés par tous les citoyens (même si c’est le but…). Certains préféreraient peut-être épargner, et dans ce cas, la croissance économique serait faible.
Deuxième réserve : l’inflation reste difficile à maîtriser. Si tout le monde dépensait ses 500€, certes l’activité économique serait relancée, mais les prix des marchandises pourraient aussi grimper très haut. Et si les salaires des citoyens n’augmentaient pas autant que l’inflation, on risquerait une forte baisse de l’activité économique.
Pour finir…
Encore une fois, l’hélicoptère monétaire est certes une jolie théorie sur le papier, mais elle n’a jamais été testée à l’échelle Européenne pour relancer l’économie. Avant de sauter le pas, il faudrait peut-être, l’appliquer à une échelle plus réduite (une région par exemple) et observer les résultats ?
Quoiqu’il en soit, l’économie reste bien souvent prisonnière du hasard. Car malgré toutes les prévisions possibles, les économistes se font généralement rattraper par la réalité puisque leurs calculs sont rarement en phase avec les choix imprévisibles des gens, en matière de consommation.
4 Commentaires
adrienvannson
10 juin 2017 à 14 h 47 minMerci beaucoup, super article !
Doria Messaoudene
7 août 2017 à 18 h 33 minMerci beaucoup Adrien 🙂
À bientôt !
Kler
29 décembre 2017 à 15 h 40 minUne société de consommateurs en somme ? Plus besoin de penser. Il faut juste consommer. « Va, achète, achète davantage. Réjouissons-nous de faire du commerce », comme disait Jésus dans « THX 1138″… Une utopie ? Plutôt l’enfer, oui.
Marie-Eve
11 mars 2018 à 8 h 34 minJ’suis d’accord!