Platon (424-347 av. J.-C.) c’est l’histoire d’un grec qui a consacré toute sa vie à la philosophie. Son apprentissage commence avec Socrate — un vieux philosophe, sage, qui enseignait sa philosophie aux petits jeunes. Et pour la petite anecdote, Socrate n’a jamais rien écrit de sa vie : c’est Platon qui a retranscrit la philosophie de son maître dans ses nombreux ouvrages.
Mais, en -399, tout bascule. Socrate est condamné à mort. Il est accusé de corruption de la jeunesse car sa philosophie n’était pas assez tournée vers la religion et négligeait les Dieux grecs. Et ça, bah ça n’a pas trop plu.
Alors, après la mort de Socrate, Platon poursuit sa quête vers la connaissance et crée sa propre école : l’Académie. Et ça fait un carton. Platon a de nombreux élèves (dont Aristote) et enseigne sa philosophie pendant 40 ans.
L’enseignement, notre relation face au savoir, à la connaissance, la recherche de la vérité… Tout ça, Platon adore. Et c’est justement ce qu’il développe au chapitre VII de son énorme bouquin La République, avec l’allégorie de la caverne. Décryptons ensemble ce texte, l’un des plus célèbres de la philosophie.
D’abord, c’est quoi une allégorie ?
Une allégorie, c’est une image. Platon a conscience que sa philosophie n’est pas accessible à tout le monde, alors pour que l’on puisse tous comprendre, il utilise des images.
À travers cette allégorie, Platon met en scène la condition humaine, la nôtre, mais également celle de nos ancêtres. Pour lui, nous sommes tous prisonniers d’une caverne.
Cette caverne dans laquelle nous sommes pris au piège, c’est l’illusion. Platon affirme nous vivons tous dans l’illusion. Nous sommes prisonniers de nos jugements, de fausses idées reçues, de croyances… Et tout ça, ça nous empêche de vivre dans la vérité ; puisque ce que nous croyons savoir est faux, notre rapport avec le réel est donc complètement erroné.
Pour nous en faire prendre conscience, et pour éclairer les gens de son époque — Platon en a gros sur la patate qu’on ait condamné son maître à mort — alors, il nous montre la médiocrité de notre condition pour que nous puissions nous en délivrer. Tuto en 3 étapes.
Comment ça se passe à l’intérieur de cette caverne de Platon ?
L’intérieur de la caverne, on va appeler ça l’étape 1. Cette étape 1 représente notre état initial : l’ignorance.
Nous sommes plongés dans une grotte souterraine, qui symbolise notre enfermement, notre médiocrité et notre impuissance. Platon imagine que nous sommes prisonniers de cette caverne depuis l’enfance, autrement dit : nous avons peu d’expérience de la vie, nous sommes naïfs, inconscients, et blindés de fausses croyances. On croit alors que cette caverne, c’est la vraie vie, la vérité, le réel — et on cherche pas plus loin, on est content.
Pour rendre le truc encore plus glauque, Platon rajoute à cela des marionnettistes, des manipulateurs qui montrent aux prisonniers des ombres toutes fabriquées. Ces méchants marionnettistes qui manipulent les prisonniers peuvent être soit des hommes politiques, qui font tout pour nous maintenir dans l’illusion ; soit des sophistes, ces faux philosophes qui enseignent comment manipuler par le langage, avec des discours creux.
Ces ombres (= idées reçues, fausses croyances) sont de simples reflets, elles sont immatérielles, déformées… Et pourtant, les prisonniers croient qu’elles sont réelles car ils les ont vues toute leur vie — un peu comme nous, enfant, quand on vu le Père Noël, on a longtemps cru qu’il existait.
Conclusion de l’étape 1 : l’existence de ces prisonniers est très pauvre, car leur réalité est illusoire.
Mais on peut en sortir de cette caverne de Platon ?
On n’est plus à la Préhistoire, alors oui on peut en sortir. Platon dit même qu’on DOIT en sortir ! Et là, on arrive sur l’étape 2.
Cette étape 2 vient de la rencontre des prisonniers avec le philosophe. Le philosophe va venir bouleverser leurs croyances antérieures, et instaurer le doute dans leurs certitudes. Il force alors les prisonniers à se relever, à marcher en dehors de la caverne.
Mais, les prisonniers qui étaient bien au chaud dans leur caverne ont peur d’en sortir, car le monde extérieur (= la connaissance) leur est inconnu. Jusqu’à la fin, ils sont tentés de faire demi-tour, pour retrouver une réalité familière et confortable, mais le philosophe est costaud, et les empêche de retourner dans leur ignorance.
Alors, les prisonniers commencent à comprendre qu’ils ont été manipulés. Ils prennent conscience des ombres (= les illusions dans lesquelles ils ont été bercés), des méchants marionnettistes… Et ils prennent leur courage à deux mains et sortent de la caverne.
Et il se passe quoi une fois que les prisonniers sont sortis ?
Une fois sortis de la caverne, les prisonniers sont éblouis (rappelez-vous, ils n’ont jamais vu la lumière du jour !). Mais cela symbolise aussi leur premier contact avec la vérité.
Délivrés de la caverne, les prisonniers deviennent heureux, leur rapport à la connaissance, au vrai, change complètement leur existence et développe leur altruisme.
Alors qu’est-ce qu’ils vont faire ? Ils vont redescendre dans la caverne pour chercher leurs camarades prisonniers — et leur dire que c’est trop bien dehors.
Certes, redescendre dans la caverne, c’est prendre un énorme risque. D’abord, les prisonniers vont subir les moqueries de ceux restés à l’intérieur car ils sont en total décalage. Ensuite, redescendre, c’est prendre le risque de ne jamais en ressortir.
Mais pour Platon, une fois que l’on n’y est sorti, une fois que l’on a côtoyé la connaissance, le savoir, il est impossible de retourner dans l’ignorance, car la connaissance est source de bonheur pour l’homme.
Comment connait-on réellement le monde ?
Platon se sert également de l’allégorie de la caverne pour nous dire que nous avons deux manières d’appréhender le monde, les choses autour de nous : une approche sensible et une approche intelligible.
Par exemple, si je vous demande de me définir le mot « cercle », vous pouvez soit me dessiner un rond — ça c’est l’approche sensible ; soit me donner la définition de l’idée de cercle — ça, c’est l’approche intelligible.
Il s’agit de deux approches différentes. Et pour Platon, l’éducation, c’est-à-dire connaître réellement la vérité sur les choses, consiste à passer de l’illusion du sensible, à la connaissance intelligible des choses. Car le sensible est toujours subjectif — le cercle que vous m’auriez dessiné aurait pu être ovale, et non tout à fait rond. Et là, on aurait été dans le faux, car un rond, c’est rond.
Pour finir sur la caverne de Platon…
L’allégorie de la caverne de Platon, c’est justement cette distinction entre le sensible et l’intelligible. Platon ne nous dit pas de répudier pour autant notre approche sensible des choses, mais de comprendre que le sensible ne permet pas la science.
Le savoir ne se trouve pas dans nos croyances, opinions ou sensations (= les ombres dans la caverne), mais dans une vérité intelligible, que Platon appelle les Idées.
L’allégorie de la caverne, c’est donc une invitation à sortir de l’ignorance dans laquelle nous nous trouvons, et reconnaître l’intelligence présente en nous pour aller vers la connaissance.
304 Commentaires
Sahal said chirwa
26 octobre 2018 à 8 h 05 minla cavernes represente la maison ,les prisonnier sont les telespectateur , les chaines sont les chaines de television et les ombres c est les image que nous regardons a traver la television alors que sa realiter se trouve en dehors de cette maison autrement dit de cette caverne.
Bernard SUZANNE
27 novembre 2018 à 20 h 14 minÇa, c’est la manière classique de comprendre l’allégorie. Je vous en propose une autre, que vous trouverez plus détaillée dans ma traduction de l’allégorie sur mon site Internet « Platon et ses dialogues »: http://dialogues-de-platon.org/fr/tetra_4/republic/caverne.htm, qui prend en considération le fait que l’allégorie de la caverne doit se comprendre à la lumière de la mise en parallèle du bon et du soleil et de l’analogie de la ligne qui ont précédé: les prisonniers, ce sont les hommes (en fait leur âme) en tant que sujets capables de connaissance; les porteurs cachés par le mur derrière eux, ce sont les MÊMES hommes /âmes, cette fois en tant qu’objets de connaissance les uns pour les autres (« apprends à te connaître toi-même », ‘gnôthi sauton », la devise de Socrate), qui, en tant qu’âmes, sont invisibles aux hommes dans le monde visible/sensible que représente la caverne; les statues qu’ils portent, ce sont les créatures matérielles, dont des « statues d’hommes » (« andriantas » en grec, mot dérivé d' »anèr », qui signifie « homme » en tant que mâle par opposition à femme, alors que les hommes prisonniers et porteurs sont appelés « anthrôpoi », c’est-à-dire « homme » en tant qu’espèce, par opposition à animaux ou dieux), qui représentent leurs corps sensibles. Les ombres, ce sont les apparences visibles de ces corps et le problèmes des prisonniers enchaînés, c’est qu’ils croient que la réalité, c’est ce qu’il voient avec leurs yeux, alors que les images fournies par la vue ne nous font connaître que l’apparence visible (« eidos » en grec) des choses. Pour dépasser les simples apparences, il faut se libérer des chaînes que représentent l’emprise des sens, et de la vue en particulier, sur nous depuis l’enfance et se retourner pour découvrir ce qui se cache derrière les apparences (les statues dépassant du mur). Mais tant qu’on reste dans la caverne, on en reste au sensible. Pour comprendre les choses, c’est-à-dire découvrir leur principe d’intelligibilité, leur « idea », il faut sortir de la caverne. Mais là nous attend un autre problème: l’intelligibilité s’exprime par des mots, qui prennent la place des images visibles de l’intérieur de la caverne, et le risque est que nous prenions les mots pour ce qu’ils désignent, ou plus précisément, que nous ne nous rendions pas compte que les mots ne sont pas ce qu’ils désignent, mais de simples étiquettes. Ce premier stade hors de la caverne, où le prisonnier libéré retrouve dehors tout ce qu’il y avait dans la caverne, dont les hommes/âmes (« anthrôpoi » au pluriel), devenus cette fois « visibles », c’est celui où il ne peut encore en appréhender que les ombres et les reflets (des mots et des discours de ou sur ces hommes). Pour pouvoir voir les hommes eux-mêmes, c’est-à-dire les comprendre, il faut dépasser le stade des mots et accéder à ce qui est au-delà des mots, les « idées ». De plus, il y a hors de la caverne des choses qui n’ont pas leur contrepartie (sensible) dans la caverne, les astres, la lune et le soleil, qui correspondent à des « idées » purement abstraites, sans contrepartie sensible, comme par exemple le beau, le juste ou le bon. Et le soleil qui éclaire tout le reste est justement l’image du « bon » (pas du « bien », comme on le dit en général, qui est trop strictement moral, mais du « bon » aussi bien sensible et matériel que moral), dont Socrate a dit auparavant, dans la mise en parallèle du bon (« to agathon ») et du soleil qu’elle jouait pour l’intelligence le rôle du soleil pour la vue, ce qu’illustre dans l’allégorie le fait que son image, le soleil, éclaire tout le reste. Dire que le bon est la lumière de l’intelligence, c’est dire que tout homme recherche toujours ce qu’il estime bon POUR LUI, non pas comme un moyen en vue d’autre chose, mais comme une fin en soi, et que l’outil qui lui a été donné pour ça, c’est justement l’intelligence et le « logos » (parole/raison). Sortir de la caverne, c’est donc chercher à comprendre les choses à la lumière du bon pour tenter d’accéder au bonheur, individuellement et collectivement, puisque les hommes sont fait par nature pour vivre en société (ce sont des « animaux politiques »), ce qui leur a permis de développer le « logos » (« parole » porteuse de sens et pas simple bruit conduisant à la « raison », les deux sens du mot « logos »). Ils doivent donc comprendre que leur bonheur ne peut faire l’économie de la prise en compte des autres et c’est la raison pour laquelle il faut redescendre dans la caverne.
ROSSIGNOL
23 décembre 2018 à 14 h 47 minIl est bien possible que cette fois j’arrive à retenir la leçon, de Platon et sa caverne. Merci c’est très bien expliqué ! J’espère que c’est vrai et que ce ne sont pas que des ombres sur un écran !
Akim
30 mars 2019 à 21 h 58 minBravo et encore merci! Les Gillets jaune ont dues lirent ton commentaire et grâce à toi lol ils sont sortie de leur caverne! Mekiiiii
Alain
7 mai 2019 à 20 h 36 minPlaton explique que nous sommes prisonniers de nos ombres et que pour voir la lumière il est nécessaire de regarder nos ombres afin de les éclairer et nous libérer de nos résistances à la lumière.
Laure
14 juin 2019 à 9 h 02 minExplication forte intéressante.
Concourant pour le CAPES Arts, j’ai pu me réapproprier cette notion tout en simplicité. Merci pour cet article à la portée de tous, tout en pédagogie.
Ml le Corre
3 octobre 2019 à 14 h 35 minMerci pour cette explication accessible .
Un vrai bonheur, pour moi qui me lance dans les débats philo avec des élèves de primaire.
J’ai lu beaucoup d’approche de cette allégorie, mais votre style est vivifiant, dynamique et me rassure pour aborder ma première séance.
Doria Messaoudene
3 octobre 2019 à 17 h 13 minMerci à vous pour votre enthousiasme !
En espérant que cette première séance de débats s’est passée à merveille 🙂
Georges
3 octobre 2019 à 14 h 35 minMerci pour cet article qui éclaire encore mieux ma connaissance qu j’en avais de cette théorie de Platon. Merci
Daa.lille.france
3 octobre 2019 à 14 h 35 minSuper merci super cool super bien expliqué.
biggy91
3 octobre 2019 à 14 h 35 minmerci pour tous vos articles. je viens de me trouver une seconde passion: la philosophie!!
mon esprit s’ouvre de plus en plus à chaque lecture. je n’aurais jamais penser que la philo soit si simple à comprendre.
Doria Messaoudene
3 octobre 2019 à 14 h 35 minMerci à vous 🙂
Julien
3 octobre 2019 à 14 h 35 minJ’aurais une petite question: En quoi cette allégorie représente une invitation à examiner ça manière de vivre?
Zazou
3 octobre 2019 à 14 h 35 minAh , si tous les professeurs de philosophie pouvaient enseigner comme vous le faites, nos enfants perdraient moins leur temps sur les bancs d’école .
Au moins il saura de quoi il parle s’il tombe sur ce texte au repêchage demain.
Mille mercis.
Doria Messaoudene
3 octobre 2019 à 17 h 13 minMille merci à vous !
Je croise les doigts pour votre fils !
alain boutet
3 octobre 2019 à 14 h 35 minTout est clair. Très bien expliqué. Bravo !
Cela me renvoie directement à mon expérience quotidienne. Surtout concernant l’hypnose spirituelle avec laquelle j’ai des résultats stupéfiants en tant que thérapeute. Je suis passeur d’âmes et rejette le mauvais oeil pour simplifier, sinon c’est trop long à expliquer. Mais pour le vulgus pecum les entités, la lumière, et les vies antérieures ce sont des trucs de bonnes femmes histrioniques. Et je suis un mec. 😉
Mais lorsque je leur montre mes vidéos qui n’ont rien à envier au film « l’exorciste » je perçois en eux un certain malaise. Je fais parler les entités par la bouche du corps les contenant en hypnose. Et quand je leur dis que deux personnes sur trois sont concernées par les entités et que je peux leur faire un test gratuitement… généralement ils refusent.
Qu’est-ce-qu’on est bien dans ses croyances. C’est très rassurant de ne pas sortir de sa zone de confort.
Doria
3 octobre 2019 à 14 h 35 minMerci Dom pour votre commentaire, ça me fait vraiment plaisir !
Stay tuned, d’autres articles arrivent ! 🙂
À très vite,
Doria
Cadiou
3 octobre 2019 à 14 h 35 minSuperbe leçon, Merci Doria c’est lumineux
La date de décès de Platon est plutôt -399 que -347 ?
Paul
Doria Messaoudene
3 octobre 2019 à 23 h 38 minMerci beaucoup Paul pour ton commentaire 🙂
Après plusieurs vérifications, je retombe toujours sur -347. Quelle source te fait pencher pour -399 ?
Touobom Fabrice DABIRE
3 octobre 2019 à 14 h 35 minWaouh merci spéciale Doria!
Doria Messaoudene
3 octobre 2019 à 17 h 13 minMerci à vous !
Lataillade
3 octobre 2019 à 14 h 35 minBonsoir Doria,
J’ai adoré vous lire et j’ai l’impression déjà de me sentir plus libre et….ça fait un bien fou !
Je suis également une passionnée de philosophie….entre autres 🙂
Merci du fond du cœur pour cette lumière que vous avez fait entrer dans mon cœur !
Isabelle, Bordeaux.
Doria Messaoudene
3 octobre 2019 à 23 h 39 minChère Isabelle,
Merci mille fois pour vos gentils mots qui m’ont beaucoup touchée.
Continuez à philosopher et surtout, prenez soin de cette lumière !
À très vite !
Ibrahima KOMARA
3 octobre 2019 à 14 h 35 minTrès content et instruit encore davantage !!!!!merci
Doria Messaoudene
3 octobre 2019 à 17 h 13 minC’est fait pour 🙂
Merci à vous !
MAXIME
3 octobre 2019 à 14 h 35 minLe style d’écriture est juste révolutionnaire, fluide et très prenant.
Doria
3 octobre 2019 à 17 h 13 minMerci beaucoup Maxime !
À très bientôt sur le Cercle 🙂
Elina
3 octobre 2019 à 15 h 19 minSuper bien expliqué 🙂
Doria Messaoudene
3 octobre 2019 à 17 h 13 minMerci Élina 🙂