Non, « Descartes » n’est pas seulement le nom d’un lycée ou d’un arrêt de bus. Descartes, c’est l’histoire d’un homme brillant du XVIIe siècle, qui avec ses découvertes, a bouleversé la philosophie.
Descartes est donc avant tout un philosophe, un mathématicien et un physicien. Tout ça en même temps. On a même créé un adjectif avec son nom : on dit de quelqu’un qu’il est « cartésien » pour souligner son esprit rationnel.
Alors maintenant, vous vous demandez peut-être quel est le rapport entre Descartes et un esprit rationnel ? C’est simple. Toute sa vie, Descartes s’est intéressé à la puissance de l’esprit humain face à la connaissance — autrement dit, pourquoi on sait tant de choses dans notre petite tête et comment on peut être sûr qu’elles sont vraies ?
Il a cherché, il a cherché…
Et puis un jour, Descartes a dit « Je pense donc je suis« et tout s’est éclairé…
Qu’est-ce qu’il lui est arrivé pour dire un truc pareil ?
Eh bien, après plusieurs années de réflexion, Descartes s’est levé un matin en se disant : « c’est dingue, je sais et j’ai appris plein de choses au cours de ma vie. Mais en même temps, il m’est aussi arrivé de savoir des choses fausses en croyant qu’elles étaient vraies… Alors du coup, il se peut que TOUT ce que je sais soit faux ? »
Cette question, vous auriez très bien pu vous la poser le jour où vous avez découvert que le Père Noël n’existait pas — et que tout votre monde s’est écroulé autour de vous.
Descartes, lui, l’a fait dans un but précis : chercher la vérité. Il écrit vouloir « trouver seulement une chose qui soit certaine et indubitable » (Méditations métaphysiques) ; c‘est-à-dire trouver une chose qu’absolument personne ne puisse mettre en doute.
Alors pour poursuivre sa quête vers la vérité, il a remis en doute tout son savoir.
Mais il a pété un câble pour se mettre à douter de tout ou quoi ?
Non, du tout. Sa quête est raisonnée et vient de deux constats majeurs :
- Constat n°1 : il réalise qu’une partie de son savoir est faux ou erroné, et qu’on ne peut finalement jamais être sûr d’une vérité. Et pour un scientifique, c’est moyen moyen.
- Constat n°2 : il découvre que nos 5 sens sont trompeurs et nous éloignent de la vérité, car ce que nous percevons par nos sens est subjectif. — Par exemple : faites sentir un parfum fruité à deux personnes différentes, vous pouvez être sûr que l’un sentira une odeur d’abricot, et l’autre une odeur de fraise. Pareil pour un vêtement : un tee-shirt peut être bleu foncé pour vous, et noir pour votre voisin. Bref, personne ne détient la vérité vraie sur les choses qui nous entourent car notre perception n’est pas objective. Il ne suffit donc pas de voir pour savoir, voilà ce que conclut Descartes.
Bon ok, mais comment il s’y est pris pour douter de tout ?
Il ne faut pas croire que remettre tout son savoir en doute se fait en un claquement de doigt. Au contraire, pour y parvenir dans les règles de l’art et de manière rigoureuse, Descartes a créé sa propre méthode pour refonder son savoir sur des bases solides (d’où le titre de son célèbre ouvrage, Discours de la méthode).
Et sa méthode consiste à douter de tout, mais dans un ordre précis :
- Il commence par examiner ses opinions douteuses, c’est-à-dire, toutes les idées reçues qu’il avait, et qui n’étaient pas fondées pour les éliminer (par exemple : penser que toutes les blondes sont teubées).
- Il doute ensuite des informations reçues par ses 5 sens (pour les raisons évoquées plus haut).
- Il remet en question les corps et la matière, car on les perçoit également grâce à nos sens.
- Il doute ensuite des vérités rationnelles (mathématiques, physiques, etc.)
- Puis il finit par douter de l’existence de Dieu, car Dieu est aussi une pensée qui provient de son esprit, et comme toute pensée créée par l’esprit, elle mérite d’être remise en question.
Il a bien découvert un truc après avoir douté 10 mille ans, non ?
La réponse est OUI ! Mais le combat fut rude. Descartes, avec ses gros bras et son gros cerveau, a aussi dû se battre contre ce qu’il appelle « le malin génie ».
Ce qu’il appelle le « malin génie », c’est un concept tout droit sorti de son imagination : il pense qu’un « malin génie » très puissant et très rusé se cache dans sa tête, et passe son temps à le tromper sur tout, même sur ce qui lui semble être le plus sûr.
Alors, après avoir exterminé ce malin génie, après s’être totalement dépouillé du moindre lien qui l’unit au monde, Descartes découvre UNE seule certitude : je suis « une chose qui pense ».
Il réalise que même si ce malin génie a le pouvoir de le tromper en parasitant son esprit de fausses vérités, il y a UNE chose qu’il ne peut pas faire : ce génie trompeur ne pourra jamais empêcher Descartes de penser. Et qu’importe si ce qu’il pense est faux, ici, c’est l’acte de penser qui est le plus important.
Il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose.
Après avoir pris conscience de cette manipulation, Descartes arrête donc de douter.
Il a découvert une vérité indubitable : tant que je pense, j’existe. Même si tout ce à quoi je pense est faux ou illusoire, le fait de penser reste incontestable. Si ce génie me trompe, c’est avant tout parce que j’existe. Bref, tant que je pense, je suis quelque chose. Et aussi puissant soit-il, ce méchant génie dans ma tête ne pourra jamais supprimer mon existence. Voilà une chose de sûre.
Et qu’est-ce que ça a changé dans le monde ?
Ça n’a l’air de rien comme ça, mais Descartes a vraiment bousculé les codes. À l’époque, la philosophie à la mode était la philosophie scolastique, gérée par l’Église — et ça rigolait pas. Elle consistait à apprendre les textes religieux pour apprendre à réfléchir, avec la religion au coeur de la pensée.
Mais au XVIe siècle, les philosophes commençaient à en avoir marre de « philosopher » sur des concepts anciens, alors de nouvelles philosophies et des découvertes scientifiques vont venir chambouler la scolastique. Mais l’Église, qui n’acceptait pas que l’on remette en cause sa représentation du monde, ne s’est pas laissée faire. Elle a même condamné Galilée en 1632, parce qu’il a démontré que la terre était ronde.
Heureusement que Descartes était en Hollande quand il s’est mis à douter. Il a donc pu rompre tranquillement avec la tradition scolastique en donnant une place centrale à la pensée et à la subjectivité humaine (et en laissant de côté la religion).
Petite conclusion pour briller en société
Cette vérité incontestable que Descartes cherchait, c’était la pensée, ou plus précisément, l’acte de penser qui est si puissant parce qu’il nous appartient rien qu’à nous et cela, qu’importe l’absurdité de nos propos : on est et on restera des sujets qui pensent (et qui en ont conscience).
Cette découverte s’appelle le Cogito : le fameux « je pense donc je suis » — ou « cogito ergo sum » si vous voulez briller en soirée (note : le « u » en latin se prononce « ou » ; il faudra donc prononcer « soum » ! ;)).
64 Commentaires
Isabelle
24 janvier 2019 à 19 h 16 minSuite à plusieurs lectures sur ce sujet et surtout dans le but d’aider mon enfant pour son devoir de philo, dont il procrastine à fond la mise en oeuvre, je tombe sur votre approche des plus originale et amusante. Les précédentes m’ont ennuyé et rendue presque léthargique, la vôtre m’a fait rire du début à la fin. De ce fait ce sera celle que je vais lui proposer dès le départ pour lui donner la patate et ne pas attendre dimanche soir pour qu’il s’y mette enfin. Merci beaucoup pour ce moment de joie philosophique.
Pierre
4 février 2019 à 2 h 45 minCe bien
Anas
27 juillet 2019 à 22 h 35 minBravo, un vrai plaisir de lire l’article
Msi
12 août 2019 à 7 h 39 minExcellent article.
Isabelle
3 octobre 2019 à 17 h 39 minSuite à plusieurs lectures sur ce sujet et surtout dans le but d’aider mon enfant pour son devoir de philo, dont il procrastine à fond la mise en oeuvre, je tombe sur votre approche des plus originale et amusante. Les précédentes m’ont ennuyé et rendue presque léthargique, la vôtre m’a fait rire du début à la fin. De ce fait ce sera celle que je vais lui proposer dès le départ pour lui donner la patate et ne pas attendre dimanche soir pour qu’il s’y mette enfin. Merci beaucoup pour ce moment de joie philosophique.
JCC
3 octobre 2019 à 17 h 39 minTrois certitudes me sont désormais (depuis très longtemps) acquises : je suis né, je vais mourir, et la 3e est que je ne sais pas quand ….. ce qui ne m’empêche pas le désir de connaissance, et si les lectures en sont une approche, si certaines influencent ma pensée, elles n’en ferment jamais la porte à d’autres.
Lors de mes randonnées, l’esprit libre, gravir les cols afin de découvrir de nouveaux horizons.
Il suffit parfois de lire les récits de marcheurs, notamment sur Compostelle, pour « voir » le cheminement de « la pensée »
Bendix
3 octobre 2019 à 17 h 39 minBravo , Galilée a prouvé que le terre était « RONDE » au 17° siècle seulement alors que Ératosthène a calculé sa circonférence 2000 plus tôt et que 1500 ans auparavant l’église avait adopté le système géocentrique d’Aristote et de Ptolémée . Quand à Descartes , lisez la quatrième partie de son discours de la méthode qui énonce clairement le lien entre cogito ergo sum et de quelque chose venant de l’extérieur à lui-même et qu’il appelle curieusement Dieu , l’immuable , la perfection . Sont donc inséparable « je pense , donc je suis » et celui par qui la pensée lui était donnée : Dieu .
Crain
5 octobre 2019 à 1 h 33 minAu demeurant, Galilée a pillé les travaux du moine Copernic, mais sans rien démontrer! Les preuves sont venues bien après et c’est pour avoir affirmé l’erreur de l’Eglise qui coyait au système géocentrique mais SANS le prouver qu’il a été condamné à se rétracter.
Pour autant, Galilée avait ses entrées au Vatican, permettant au pape Urbain VIII d’observer les étoiles grace à sa lunette astronomique. Après on parle d’obscurantisme face à l’intégrité du scientifique Galilée !
Pourquoi donc le moine Copernic n’a t-il pas été condamné ? Parce qu’en dépit de l’avancée de ses travaux, faute d’apporter la preuve du systeme héliocentrique, il n’accusait pas les autres d’avoir tort.
Fred
5 octobre 2019 à 1 h 34 minAu demeurant, Galilée a pillé les travaux du moine Copernic, mais sans rien démontrer! Les preuves sont venues bien après et c’est pour avoir affirmé l’erreur de l’Eglise qui coyait au système géocentrique mais SANS le prouver qu’il a été condamné à se rétracter.
Pour autant, Galilée avait ses entrées au Vatican, permettant au pape Urbain VIII d’observer les étoiles grace à sa lunette astronomique. Après on parle d’obscurantisme face à l’intégrité du scientifique Galilée !
Pourquoi donc le moine Copernic n’a t-il pas été condamné ? Parce qu’en dépit de l’avancée de ses travaux, faute d’apporter la preuve du systeme héliocentrique, il n’accusait pas les autres d’avoir tort.
Martin Aude
3 octobre 2019 à 17 h 39 minVotre raisonnement m’a saisi et je n’ai pas pu résisté. très bon développement sur le « cogito ergo sum ».
Rolland
3 octobre 2019 à 17 h 39 minMerci pour cet article. Super bien écrit, j’adore le ton et le style.
Ibrahima KOMARA
3 octobre 2019 à 17 h 39 minC’est comme si vous me réveillez d’une léthargie !!!! Merci à vous
Doria Messaoudene
5 octobre 2019 à 1 h 33 minMerci Ibrahima, ça me fait vraiment plaisir ! 🙂
florence
4 octobre 2019 à 7 h 51 minMerci de m’expliquer ce concept. Je sentais bien que quelque chose m’échappait… Surement à cause de ce mauvais génie 🙂
Rachel
4 octobre 2019 à 7 h 51 minD’où maintenant cette tendance qu’on appelle le mindfulness. Pour moi cela a été une révélation, car quelque part aussi, on n’est pas nos pensées, mais on a des pensées…
Florence
4 octobre 2019 à 7 h 51 minMa fille de 12 ans, venait de découvrir la fameuse citation. Nous avons cherché une explication claire et avons découvert celle-ci. Bravo pour ce ton, cet humour qui donne envie à des collégiens d’en savoir plus !
Si Sy
4 octobre 2019 à 8 h 01 minJ’adore Descartes, je trouve que ton texte le met très en valeur, ce que beaucoup ne fond pas… C’est malheureux que son héritage soit matérialiste en France.
Je prône le dualisme de substance cartésien étant un admirateur du ce grand personnage j’adhère totalement à sa thèse de substance et les attributs qu’il donne au corps et l’esprit (ou âme) dans sa terminologie et très intéressante.
Personnellement, je ne suis pas d’accord sur le fait que la substance du corps et de l’esprit soit deux choses séparées, mais bien complémentaires en soi, le cogito est juste excellent, j’en ai aussi trouvé le « cogito ergo intellectio » qui signifie je pense donc je crée.
L’intellection est un terme que je me suis approprié en cherchant un autre mot pour définir la conscience. En effet, définir la conscience par les termes qui emploi des mots comme conscient, subjectif ou phénoménale est en quelques sorte comme un chat qui se mort la queue.
Définir c’est pourquoi je me suis approprié le temps intellection qui est un processus cognitif propre à la notion de créer.
Doria Messaoudene
5 octobre 2019 à 1 h 34 minMerci pour votre commentaire et pour votre remarque intéressante 🙂
À bientôt !
Doria
hinano
4 octobre 2019 à 8 h 01 minMais on pense toujours par rapport à quelque chose donc la chose auxquelles on pense n’est peut être pas réelle alors on peut douter de penser ? Puisque c’est la chose qui nous fait penser .
LAGRIFFOUL
4 octobre 2019 à 8 h 01 minLe Père Noël, quant à lui, disait la même chose en descendant dans la cheminée : « je pense donc je suie » …
Je vous laisse cogiter.
JANVIER
4 octobre 2019 à 8 h 01 minla pensée nous permet de quitter les questions de monsieur et madame tout le monde pour aller à l´horizon à partir duquel tout s´éclaire.
Manfred
4 octobre 2019 à 8 h 01 minBonjour!
En mon sens la pensée est utile dans bien des domaines,pour ,expliquer,,imaginer ect..
Mais il faut la dépasser pour trouver le sens de la vie,qui est amour*
Souvent les pensées sont répetitives ,négatives,fausses,
sources de conflits.
il faut cheminer vers le silence intérieur.
J »aime bien votre plumes!
Bonne continuation!
Doria Messaoudene
5 octobre 2019 à 1 h 34 minMerci à vous pour ce commentaire ! 🙂
Patrick
13 janvier 2020 à 22 h 20 minBonsoir,
Pour continuer le commentaire de Manfred, que je trouve juste la pensée n’est qu’un mouvement du temps, elle va dans le passé pour se modifier dans le présent et se projette ainsi dans le futur.
Elle est la source de tous conflits, contradictions, anxiété, peurs etc. La pensée est le poids historique de toute la violence de l’humanité depuis des millénaires !
René Descartes s’était approché de la vérité en découvrant le « malin génie » (le moi) mais il ne s’en est pas totalement délivré…il faut simplement ne pas penser pour observer la totalité de notre existence, sans croyance, attache ou identification.
Bien à vous.
Pr S. Feye
21 janvier 2020 à 17 h 56 minBonjour,
Peut-être ceci remettra le doute en question…
Cordialement.
https://www.youtube.com/watch?v=kBCDU_PnavQ